Carte blanche d'Alter Égales : N'abandonnons pas les femmes afghanes
Ce lundi 30 août 2021, plusieurs associations féministes regroupées sous la coupelle d'Alter Égales ont signé une carte blanche à destination des décideuses et décideurs politiques. Elles leur rappellent que le sort des femmes et des filles d'Afghanistan ne tient qu'à un fil, et qu'il serait bon d'autoriser celles qui le souhaitent à avoir le droit d'immigrer en Belgique, avec leurs familles, sous le statut de réfugié·e·s.
Le 15 août 2021, Kaboul tombe et le gouvernement d'Ashraf Ghani chute, cédant aux Talibans le pouvoir sur l'Afghanistan. Ce changement de régime n'augure rien de bon pour les femmes et les filles afghanes : en effet, comme le souligne la chercheuse Firouzeh Nahavandy, dans tous les territoires conquis et contrôlés par les Talibans les droits des femmes ont immanquablement diminué. Alors que depuis les années 1920, sous l'impulsion du roi Aman Allah Khan, le pays s'était peu à peu libéralisé sur ces questions, la prise de pouvoir par les Soviétiques en 1979 puis par les Talibans a entraîné une régression généralisée de la condition féminine locale.
L'invasion américaine de 2001 a légèrement amélioré les choses, notamment dans les grandes villes et en particulier à Kaboul, puisque les femmes y étaient légalement autorisées à travailler et à poursuivre des études. Dans les campagnes, par contre, la situation y était plus nuancée. En Afghanistan, pays montagneux et morcellé autant géographiquement que culturellement, l'État ne peut exercer qu'un contrôle tout relatif, et le véritable pouvoir se situe au niveau des chefs de guerre locaux. Dans certaines zones le patriarcat fait loi, et les femmes y valent moins que du bétail. Cela ne concerne d'ailleurs pas que les aires talibanes, puisque selon un proverbe pachtoun "La place de la femme est dans sa maison ou dans sa tombe.". Dans ces conditions, les femmes libéralisées des grandes villes du pays craignent qu'on ne finisse par leur ôter le peu de droits qu'elles avaient pu reconquérir au cours des deux dernières décennies, voire qu'on ne finisse simplement par leur ôter la vie. Il n'y a que peu de pas entre privation des libertés et féminicide.
Les associations féministes interpellent les politiques
Face à cela, diverses associations féministes, regroupées sous le chapeau d'Alter Égales, se sont mobilisées et ont diffusé une carte blanche à destination des "décideurs et décideuses politiques" pour attirer leur attention sur le sort de ces femmes et proposer des solutions concrètes pour les épauler dans ce moment de lutte.
Dans leur carte blanche, les différent·e·s signataires encouragent les pouvoirs politiques à garantir les meilleures conditions possibles d'immigration pour les femmes afghanes et leurs familles, et ce à toutes les étapes du processus de migration. Le collectif demande aux autorités belges et européennes de négocier avec les Talibans pour permettre l'installation de couloirs humanitaires sécurisés pour celles et ceux désirant quitter le pays. Cela demanderait d'agir autant au niveau du territoire afghan (avec l'organisation de lieux d'accueil humanitaires accessibles pour les locaux et les étrangers, par exemple), qu'au cours du trajet des migrant·e·s (les femmes migrantes sont en effet particulièrement exposées aux violences durant leur voyage) et qu'en Belgique même (avec un investissement de fonds publics dans l'agrandissement des espaces d'accueil et de transit, une offre de soutien psychologique, etc.). Idéalement, le pays accorderait le statut de réfugié·e·s à ces personnes.
Les associations locales afghanes constatent déjà des régressions sociales et économiques pour les femmes du pays, alors que les Talibans ne sont au pouvoir que depuis une poignée de semaines et que leur situation diplomatiquement est encore précaire. Qu'en sera-t-il durant les années à venir s'ils parviennent à se maintenir et à imposer leur ordre social ? Pour toutes ces associations luttant pour les droits des femmes et pour l'égalité entre les genres, il est crucial d'agir au plus vite, tant que nous le pouvons encore, pour offrir un refuge aux femmes qui refusent de plier.