La solidarité, réconcilier le fait et l'idéal ?
Notes d'analyse, Économie sociale, juillet, 2008
Le concept de solidarité a été l’un des piliers du républicanisme qui s’est forgé au dix-neuvième siècle. Il peut apporter cependant des réponses à des questions très actuelles, par son refus tant d’un Etat socialiste trop autoritaire que d’un individualisme forcené issu de la doxa libérale. Il prône une troisième voie où liberté individuelle et justice sociale s’accordent. Cette voie n’a peut-être pas connu la fortune qu’elle aurait du connaître, on le sait aujourd’hui. Comment l’expliquer ? La solidarité est-elle une simple valeur morale ou doit-elle être érigée en obligation juridique ?
D’où provient la notion de solidarité ? Plus récente que l’on croit, elle est au fondement des courants principaux du progressisme, tant politiques que syndicalistes. Elle a également été l’étendard et le ciment de la construction européenne. L’étude de ses origines souligne pourtant que les pères du solidarisme n’ont jamais idéalisé ce concept et l’ont souvent fondé sur la nature humaine et la réalité de la société, telles qu’elles se manifestaient dans un dixneuvième siècle plutôt conservateur. Cependant, la notion de solidarité n’est pas monolithique. Si elle contient une
dimension réaliste certaine, elle diffèr, selon ses penseurs, dans les méthodes mises en oeuvre pour l’atteindre. En effet, comme le montraient déjà certains observateurs de l’époque1, le solidarisme pensé par Léon Bourgeois, dit « juridique », se fonde sur le droit, et par conséquent, érige la notion de solidarité en devoir des « possédants » envers les « non-possédants ». A contrario, Charles Gide prône à la même époque un « solidarisme coopératif » visant à « lier les faibles aux forts par les mille liens d’associations volontaires », qui émanerait de la volonté des individus, et non d’une obligation issue d’un devoir.