Accord UE–Mercosur : le libre-échange au prix du climat ?

Signé le 6 décembre 2024 et validé par la Commission européenne en septembre 2025, le futur accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur promet une intensification sans précédent des échanges entre les deux blocs. Mais derrière cette vitrine économique se cache un compromis politique dangereux, où l’ambition climatique européenne semble céder le pas aux intérêts commerciaux.

Un géant économique à la conquête des marchés

Né d’un processus entamé il y a plus de vingt-cinq ans, l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) vise la libéralisation quasi totale des échanges de biens et de services. Ensemble, ces deux blocs représentent un cinquième de l’économie mondiale et plus de 700 millions de consommateurs.

Pour la Commission européenne, il s’agit d’un levier majeur de compétitivité et d’influence dans un contexte de rivalités commerciales mondiales. En supprimant la majorité des droits de douane, l’Union espère ouvrir de nouveaux débouchés à ses entreprises et renforcer sa présence sur le marché sud-américain, permettant de s’affranchir de la Chine et des États-Unis.

Un accord sous le feu des critiques environnementales

Mais cet enthousiasme économique ne fait pas l’unanimité. Greenpeace, notamment, dénonce la publication a posteriori d’une étude d’impact environnemental, inapte à influencer le contenu réel du traité. Selon l’organisation, cette étude occulte totalement les conséquences sur la déforestation en Amazonie et sur la dégradation de la savane brésilienne, deux zones déjà fragilisées par l’agro-industrie.

Les craintes sont fondées : l’intensification des flux commerciaux risque d’accroître les émissions de gaz à effet de serre et de fragiliser davantage les écosystèmes. Pire, les écarts entre les normes environnementales européennes et sud-américaines rendent tout alignement crédible particulièrement incertain.

Des garanties en trompe-l’œil

Face à la contestation, la Commission européenne a ajouté en 2024 de nouvelles clauses environnementales : respect de l’Accord de Paris, lutte contre la déforestation, et possibilité de suspension des relations commerciales avec les pays du Mercosur ne respectant pas ces engagements.

Mais derrière ces promesses se cache un mécanisme de rééquilibrage exigé par les pays du Mercosur : si une législation européenne venait à nuire à leurs intérêts économiques, ils pourraient réclamer un ajustement. Autrement dit, l’intérêt commercial prime sur les impératifs écologiques.

Pour Pascal Canfin, eurodéputé Renew, cette disposition « sape la souveraineté de l’Union », qui se prétend pourtant leader de la transition écologique. Ce compromis marque un tournant : il affaiblit la portée normative de l’UE et envoie un message contradictoire à ses partenaires internationaux.

Un dangereux précédent pour l’action extérieure de l’Union

Au-delà du seul Mercosur, cet accord pourrait créer un précédent politique : comme le souligne Antoine Oger, directeur de l’Institut pour la politique environnementale européenne, l’Union risque désormais d’intégrer ce type de clauses dans ses futurs accords commerciaux, au détriment de ses valeurs fondamentales.

Cela représente une dérive inquiétante au regard des traités, qui imposent à l’Union de promouvoir la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles dans son action extérieure. En troquant sa cohérence pour un gain économique, l’UE trahit son ambition climatique.

 

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